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LE ROMAN POLICIER


  

     Le roman policier est, comme le roman d’espionnage et la littérature d’anticipation dont nous parlerons ultérieurement, une invention des auteurs anglo-saxons. Grâce à eux, le lecteur a découvert une nouvelle dimension de la littérature. Le roman policier est un roman qui a conquis son autonomie par le caractère particulier de son contenu. Le roman policier en effet traite du crime et de la découverte de son auteur par un enquêteur. C’est un genre qui nous conduit du mystère à son élucidation. La source lointaine de ce type de roman se trouve dans les Histoires extraordinaires d’Edgar Poe (1809-1849), mais le véritable créateur du genre est Sir Conan Doyle (1859-1930), inventeur du détective privé Sherlock Holmes.

     Ce que Conan Doyle apporte d’emblée au roman policier, c’est une structure dramatique et une doctrine. La structure réside dans l’association de deux personnages opposés, Doyle accole son détective génial d’un second qui l’est beaucoup moins. Il se nomme de Dr Watson, spontané et naïf, il se laisse influencer par ses préjugés et par les apparences. Sa générosité naturelle et ses instincts chevaleresques ne font que l’induire davantage dans l’erreur. Il croit innocents ceux qui lui sont sympathiques et coupables ceux qui lui déplaisent. Cet assemblage sert, dans le récit, à mettre en valeur, par contraste, la perspicacité et l’intelligence de Sherlock Holmes. Ce couple exemplaire sera imité par tous les successeurs de C, Doyle. Watson tout comme Holmes est le père d’une longue lignée, citons l’exemple du fameux couple algérien «  inspecteur Tahar et l’Apprenti » ou l’exemple du film « L’arme Fatale » le brillant Mel Gibson avec le naïf et le gentil Danny Glover.

     La doctrine de Conan Doyle, elle est exposée par Sherlock Holmes au début de l’Etude en rouge. Selon Holmes le passé laisse des traces ineffaçables dans le présent. La méthode de l’enquêteur consiste donc à les observer puis à les interpréter, ces traces se nomment des indices. Leur interprétation porte  le nom de déduction quoique le terme d’induction eût été plus approprié puisqu’il s’agit de remonter de l’effet à la cause (raisonnement régressif). Dans nombreuses d’histoires Holmes fait la démonstration de sa méthode en lisant la profession et le passé d’un individu dans sa silhouette, ses gestes et ses vêtements. Avant Doyle en effet, Balzac et Dickens avaient habitué le lecteur à reconnaitre un lien de cause à effet entre la partie visible  d’un être (gestes, habits) et les secrets qu’il dissimule (son passé, ses intentions, etc.)

     Ainsi le roman policier propose au lecteur un exercice d’intelligence. Tout y est calculé pour qu’il ait la possibilité de faire sa propre enquête et de parvenir à la solution en même temps que le héros que le héros de l’histoire. Pour se guider il dispose même d’un indice supplémentaire : il sait que selon les lois du genre, la solution n’est jamais conforme à l’apparence première et qu’en réalité, elle contredit toujours les hypothèses formulées par la police officielle et par le compagnon de l’enquêteur. Le plaisir du lecteur est de naviguer entre Watson et Holmes. Il se sent supérieur à Watson, il voudrait s’égaler à Holmes.

      Cependant, malgré ses qualités, le roman policier tel que Doyle l’a conçu fait peu de place à la psychologie ; en dehors des deux héros, les personnages sont très schématiques ; la structure du roman n’est que rationnelle. Ce contenu humain qui lui manque fut donné au roman policier par Agatha Christie (1900-1978). Elle excelle à dépeindre une atmosphère, à faire naître par petites touches successives l’angoisse et le sentiment de mystère, à multiplier les détails insolites. Ses romans commencent par le tableau de quelques personnages en apparence très ordinaire qu’elle place dans un milieu conventionnel et discrètement démodé ; mais peu  à peu cette imagerie révèle ses perspectives. Les personnages se bousculent, leur passé et leur secrets émergent. La simplicité du début fait place à la plus grande complexité. L’ombre succède à la lumière. Le meurtre a lieu, l’enquête commence. Quant aux détectives d’Agatha Christie, (Hercule Poirot, Miss Marple) ils triomphent avec leur intuition psychologique plus que la logique.

     Dans sa technique d’écriture, Agatha Christie joue avec son lecteur, elle lui donne l’impression d’assister à la scène mais ce n’est qu’une illusion ; en fait il n’y assiste pas : il entend la voix de l’assassin mais ne distingue pas son visage ; le dialogue lui-même ne lui apprend rien puisqu’aucun nom n’est prononcé. Le mystère reste donc entier. Ce modèle d’écriture a été adopté par pas mal d’écrivains, citons l’exemple de Georges Simenon en Belgique et Rex Stout en Amérique.

    Quelques années avant la Seconde guerre mondiale, le roman policier développe une nouvelle branche. Ce sont des histoires qui délaissent l’intrigue policière proprement dite pour la peinture circonstanciée des milieux criminels. Ces romans ont été regroupés sous l’étiquette « série noire », ce terme peut servir à désigner ce genre de littérature. Là encore les principaux créateurs du genre sont des Anglais : James Hadley Chase et Peter Cheyney. L’action de ces romans se situe généralement en Amérique. C’est dans ce pays en effet que la criminalité, à la suite de la prohibition et de la crise de 1929, a subi une transformation considérable : le malfaiteur individuel est remplacé par des organisations criminelles (les gangs) qui disposent de moyens importants et capables de corrompre les juges et les policiers (le cas de la mafia par exemple, dans le roman « le parrain » de Mario Puzo publié en 1969).

     Dans ces romans, celui qui se dresse contre le crime est un homme seul : agent du F.B.I par exemple, face à une organisation criminelle très puissante. A l’époque de Conan Doyle, le crime était rare et revêtait des formes simples mais à l’époque dont nous parlons, il prend de nouvelles formes et se présente sous des aspects inédits : trafic d’alcool, de drogue, kidnapping… etc. Autrefois le criminel était seul en face d’une organisation (la police) maintenant c’est le détective, l’agent ou le policier qui se trouve dans cette situation, face à un gang.

     Le roman de style « série noire » offre deux caractères nouveau par rapport au roman policier classique. D’une part, en racontant le combat d’un héros solitaire, s’apparente souvent à la tragédie. D’autre part, en peignant le crime avec toutes ses ramifications, il offre un tableau véridique et brutal d’un certain aspect de la société actuelle. Malgré le discrédit dont il est parfois l’objet à cause du langage argotique auquel il fait une grande place, c’est un témoignage aussi vrai et plus actuel que celui que peuvent nous apporter les romanciers du siècle passé. Ces deux caractères acheminent le roman policier vers une transformation qui donnera naissance à un nouveau genre : le roman d’espionnage.       

Référence du cours « clés pour la littérature » Claude Rommeru


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